kurugama

2018-2020 / installation + documentaire - avec Benoît Verjat

Hiver 2018, une voiture brûlée trône sur les bords de Loire. Sa combustion à fait monter la température proche de celle d’un four anagama en fonctionnement : 1200°. Sur le capot se dessinent des paysages apparus à la cuisson, qui rappellent l’aspect obtenu dans ces fours à cuisson longue. La voiture apparaît désormais à l’état carbonique. Elle n’est plus l’objet de consommation pour lequel on a inventé la production « à la chaîne », mais une pièce unique.

Kurugama est la contraction en japonais de kuruma 車 / voiture et anagama 穴窯 / « four-trou », un four à bois couché utilisé au Japon dans la fabrication d’objets en terre cuite. À l’occasion d’un moment collectif, une voiture devient un four dans lequel sont cuites des pièces en terre, dont certaines sont façonnées à partir de pièces automobiles détachées. Les gestes, l’expérience de la matérialité, les rencontres générées, visent à reconnecter les participants aux techniques qui composent leur quotidien par la transformation manuelle d'un objet industriel usuel. La voiture est, elle, dotée d’une nouvelle fonction – une vie après la mort –, où elle permet la cuisson d’objets en terre dans un processus de transition et de renaissance. C’est une traversée de l’histoire de la technique qui part de la terre, première matière transformée par l’homme à l’aide du feu, et va à l’automobile, icône de la modernité. Tout cette expérience est nourrie par le re-enactement de l’histoire des potiers d’Accolay.

vue des poteries d'Accolay le long d'une station service
schéma provisoire de la mise en action de kurugama

1. Le façonnage des pièces accompagné du céramiste Matthew Raw

Ensemble, nous récupérons des pièces détachées chez Auto Pièces 58. Nous les observons, les trions, afin d'en sélectionner certaines pour façonner des pièces en terre et/ou fabriquer des outils. Le façonnage des pièces nous permet d'essayer de nouveaux gestes et techniques, mais aussi éventuellement des fonctions pour les objets qu’ils fabriquent. Ce rituel évoque ce que les Hauka dans Les Maîtres Fous (1955) de Jean Rouch appellent « les dieux nouveaux, les dieux de la ville, les dieux de la technique, les dieux de la force ».

2. La construction du four-voiture et la cuisson, supervisées par le céramiste Christophe Léger

Une Fiat 600 rouillée trônant depuis des années au sommet d'une pile de voitures dans un garage à Gien, est progressivement transformée : nettoyage de la carcasse ; installation d'une sole en brique, positionnement des quatre alandiers, des deux cheminées, des plots réfractaires ; déplacement de la carcasse sur son support de cuisson ; fixation de grillage sur les ouvertures ; couverture de la carcasse de draps imbibés de barbotine ; placement de grandes plaques réfractaires sur le toit. La première cuisson a duré presque 24h et la température a plafonné autour de 800 degrés. Le four-voiture n'était pas suffisamment étanche. La projection en temps réel de la caméra thermique sur le four nous a permis de suivre le comportement de la chaleur à l'intérieur. Pour la seconde cuisson, l'intérieur de la voiture a été tapissé de fibre pour une meilleure étanchéité. Cette fois-ci, la température est montée à 1050 degrés !

fiat 600 trouvée dans un garage à Gien
la fiat sur le terrain avant transformation
chercher l'inspiration

photographies de la construction du four à partir de la carcasse jusqu'à la cuisson

photographies à la chambre de Ludivine Sibelle
captations avec la caméra thermique

vues de l'exposition Auto-Fiction lors de la biennale de design à Saint-Étienne en 2022

Conception, réalisation, production - Alexis de Raphelis et Benoît Verjat

Atelier céramique - Matthew Raw
Construction du four et conduite de la cuisson - Christophe Léger

Parcipant·e·s aux ateliers, à la construction et à la cuisson - Alexis de Raphelis, Benoît Verjat, Claire Boitel, Clara Denidet, Corinne Scapin, Judith Lasry, Mathieu Paradas-Arroyo, Juliette Almeida, Arthur Pocheron, Hervé Coqueret, Benoît Dattez et Katherine Ball.

Caméra - Ludivine Sibelle

Avec l’aide précieuse de Dominique Helleboid, Lucien Petit, Alain Thenot, Kelly Fené, Anthony Bourahli, Pierre Kremer, Camille Tréhout, Pierre Breteau, Amandine Brunet, José Pereira et Thomas Cormier.

Avec le soutien du Ministère de la Culture (DRAC BFC), de la région Bourgogne Franche-Comté, du DICRéAM, dispositif du CNC et de l’association 47-2.